Univers végétal au sein de la maison : esthétique, bien-être et santé
Les plantes en pot sont invitées à pénétrer dans nos intérieurs depuis déjà bien longtemps. Elles occupèrent d’abord les terrasses et les loggias de l’Antiquité et de la Renaissance, puis conquirent les autres pièces de la maison ainsi que les espaces collectifs au début du XIXème siècle et ce, dans la plupart des cultures. Ce phénomène étudié par le sociologue Laurent Domec, apparaît aujourd’hui comme l’élaboration d’un art véritable qui suit les modes et révèle l’âme des habitants et leur vision du monde.
Les spécimens exotiques suscitent encore l’émerveillement qui conduisit les explorateurs à rapporter ces plantes au prix de voyages souvent longs et dangereux. Les plantes vertes devenues courantes dans nos intérieurs sont pour la plupart originaires des zones tropicales ou subtropicales depuis les forêts équatoriales d’Amérique du Sud, jusqu’aux savanes et déserts d’Afrique et d’Amérique centrale en passant par les régions montagneuses de Chine. On peut comprendre les difficultés qu’ont dû éprouver les horticulteurs pour parvenir à acclimater ces raretés et les rendre accessibles à tous. En réalité, celles-ci se comportent bien mieux dans la maison que nos plantes locales qui ont besoin d’une véritable période de froid pour se reposer, voire refleurir.
Cependant, malgré les soins apportés à l’élevage des plants, à la constitution d’un substrat idéal, au choix d’une fertilisation adaptée, il demeure indispensable de répondre correctement aux autres besoins que sont l’intensité lumineuse, la quantité d’eau, l’aération, l’humidité de l’air, une fois la plante installée dans le foyer. Il est toujours surprenant de découvrir la taille que peuvent atteindre un ficus, un poinsettia ou un caoutchouc dans leur aire d’origine. Nos plantes élevées dans un pot exigu, sur un coin de table ont parfois bien du mérite à pousser ! Et pourtant leur vitalité est parfois désarmante, un peu de soin, beaucoup d’amour, on dit que la musique classique les rend plus belles... Leur réactivité par rapport au monde environnant fait l’objet d’études de plus en plus nombreuses !
Jusqu’à la fin de XIXème siècle, le rapatriement des plantes exotiques se faisait par bateau dans des caisses ou tontines car il était presque plus difficile de rapporter les graines que les végétaux vivants. La germination était aléatoire et surtout la récolte des graines ne correspondant pas à la période de floraison, il devenait difficile d’identifier la plante sans la fleur et de connaître son intérêt. D’après les écrits de John Livingston en 1819, médecin botaniste hollandais de la Compagnie des Indes Orientales, pour une plante ramenée en Angleterre en parfait état, on comptait des milliers de pertes. On comprend que les plantes d’intérieur rapportées de ces contrées lointaines furent tout d’abord un objet de luxe qui s’est ensuite largement démocratisé. Aujourd’hui, posséder un chlorophytum, un caoutchouc, un ficus ou un yucca, n’étonne plus personne. Cela fait même partie de l’ordinaire.
L’architecture des maisons, au cours du 19ème et 20ème siècle a suivi cette évolution qui s’est traduite par l’agrandissement des fenêtres, la création de puits de lumière, de jardins d’hiver afin d’augmenter l’éclairement de l’habitation mais aussi nous offrir une vision plus grande sur le monde extérieur. On en vint à créer de véritables univers végétaux dans la maison afin, même si cela peut paraître paradoxal, d’augmenter l’intimité et la chaleur des lieux.
La présence de plantes d’intérieur renforce notre lien avec la Nature, celles-ci symbolisent aussi la persistance du fait qu’elles ne suivent pas ou peu les saisons, mais elles introduisent dans le même temps la vie et sa dynamique au sein d’un décor d’objets inertes. Elles investissent même la salle de bain, lieu d’intimité où leur présence donne la sensation de replonger dans le cocon originel. Elles nous rassurent et nous redynamisent. Ce ne sont pas de simples objets de décoration, par leur force vitale, elles nous rattachent au passé tout en nous projetant vers l’avenir. Cette sensation de retour aux sources s’exprime davantage dans les aménagements contemporains où le végétal s’est affranchi du pot. Les palmiers plongent directement leurs racines dans le « sol », comme on peut le voir dans les bassins de baignade protégés dans leur tour de cristal.
Il n’est pas rare aujourd’hui de passer plus de 22 h par jour à l’intérieur d’un bâtiment que ce soit au bureau, à l’école, à la maison, ou pour faire ses courses. Or il est prouvé qu’une kyrielle de substances toxiques sont émises par les matériaux de construction. De nombreuses études ont montré le rôle bienfaiteur des plantes vertes dans l’élimination de ces toxines. Les recherches ont porté sur un certain nombre de substances avérées cancérigènes ou responsables du Syndrome des Bâtiments Malsains (SBS Sicks Building Syndrome). Cette maladie encore mal définie se manifeste par des maux de tête, des sensations d’inconfort, de la fatigue, des problèmes respiratoires, voire des réactions physiologiques ou sensorielles aiguës. Toujours est-il que nombres d’objets qui nous entourent qui vont de la moquette, du matériau d’isolation, des colles, des produits de nettoyage aux diffuseurs de parfums et aux papiers essuie-tout sont capables d’émettre plus de 300 composés organiques volatils (COV) à doses plus ou moins élevées mais potentiellement dommageables pour notre santé.
La capacité d’élimination de ces toxines a été testée pour les plantes les plus courantes de nos maisons. Les performances en matière de dépollution de l’air dépendent du polluant, du type de plante, de sa taille et de la présence d’un substrat vivant. Une équipe australienne a en effet mis en évidence le rôle du substrat et des bactéries associées aux racines dans la purification de l’air. Elles sont en effet capables de dégrader ou piéger et séquestrer ces substances sous des formes non toxiques dans le terreau. Des murs végétaux sont ainsi fabriqués aujourd’hui pour dépolluer l’air des parkings par le biais d’un extracteur d’air dirigé vers les racines des plantes.
Une école norvégienne a par ailleurs constaté l’effet bénéfique de plantes installées dans des salles de classe mal ventilées. Une amélioration de la santé des enfants (maux de tête, de gorge, rhumes) et même de leur concentration dans le travail a pu être mis en évidence. Les plantes qui sont des organismes vivants qui transpirent jouent par ailleurs le rôle d’un bon humidificateur !
Substance toxique | Présente dans | Effets toxiques | Performance des meilleures plantes testées |
Le formaldéhyde ou méthanal (formol) | La fumée de tabac, les peintures, la colle adhésive des revêtements de sol, les mouchoirs en papier, les fournitures de bureau, les vêtements nettoyés à sec, les produits bactéricides. | Cancérigène certain | Aloe vera (90%)* Monstera (86%) Fougère (80%) Ficus benjamina (75%) Différents palmiers d’intérieur comme le Chamaedorea (70%), Chrysalidocarpus lutescens Chorophytum comosum (phalangère) Philodendron |
Le benzène | Les encres et les peintures, la fumée de cigarette, les plastiques et les détergents | Cancérigène | Lierre Hedera (90%) Spathiphyllum (80%) Dracaena marginata (79%) Anthurium (78%) Scindapsus (pothos) (73%) Cissus rhombifolia (70%) |
Le trichloréthylène | Les solvants, vernis, encres d’impression, détachants. | Probablement cancérigène, altère aussi le système nerveux central et provoque des irritations des muqueuses et de la peau. | Spathiphyllum (50%) Chrysanthème (30%) Dracaena deremensis (24%).
|
Le monoxyde de carbone
| Emis par les chaudières lorsque la combustion est incomplète ainsi que par les voitures. | Gaz mortel | Chlorophytum comosum (96%) Scindapsus (75%) Schefflera (70%). |
L’ammoniac | Gaz émis par les dégraissants, certains produits de nettoyage des sols et par les engrais. | Irritant des voies respiratoires. | L'azalée d’appartement (Rhododendron simsii) le petit palmier Rhapis excelsa |
Le pentachlorophénol (PCP)
| Produits de traitement du bois et dans la pâte à papier. | Dégage des dioxines lors de la combustion. | Les plantes à grandes feuilles comme le Philodendron Monstera +humidification de l’air. |
*Le pourcentage indique la quantité de produit toxique éliminé par unité de surface foliaire, dans les conditions du laboratoire (milieu confiné, éclairage identique…). On constate que le processus d’élimination s’accélère au bout du 2ème jour.
Si le domaine des plantes d'intérieur vous intéresse, vous pouvez aussi lire mes articles sur la culture des orchidées et sur une drôle de plante très facile en appartement, le Zamioculcas. Enfin si vous avez quelques problèmes de maladie, lisez l'article sur les soins des plantes vertes.