Ecorces et troncs décoratifs au jardin
Les mois d’hiver paraissent bien longs aux passionnés du jardin, résignés à se mettre à l’affût de la moindre fleurette qui pourrait percer la couche de feuilles mortes ou de neige. Pourtant, il est des végétaux destinés à révéler toute leur splendeur en cette période lorsqu’ils sont éclairés par les rayons doux de l’hiver. Cette saison est peut-être la meilleure pour apprécier les écorces colorées, et les silhouettes graciles des rameaux dénudés.
1- A quoi sert l’écorce ?
Des fleurs, l’arbre fait des fruits ; du bois, il construit une ramure. Mais pourquoi l’arbre a-t-il besoin de cette sorte de tissu externe qui paraît si fin et de peu d’importance ? Comme l’épiderme chez les humains, l’écorce est une véritable peau mais aussi son vêtement protecteur. L’écorce protège le cambium, un tissu vivant essentiel pour la croissance de l’arbre. Elle agit comme une barrière physique contre les coups de soleil, la grêle, le gel évitant ainsi l’échauffement des tissus vivants ou les gélivures qui fendent les troncs et fragilisent l’arbre. L’écorce du Sequoiadendron et du chêne-liège les protège des feux courants. Pour résister aux grands froids du Nord du Canada et surtout des incendies, les vieux sapins de Douglas de Colombie britannique qui dépassent les 500 ans ont une écorce qui peut atteindre 30 cm d’épaisseur pour un diamètre de tronc qui frôle les 4,5 mètres.
Elle agit aussi comme une cuirasse contre les animaux et les maladies : piqûres et galeries d’insectes, frottis des chevreuils et autres cerfs, coups de becs des oiseaux cavernicoles comme les pics… Enfin, l’écorce sert aussi de « poubelle » en permettant aux tissus vivants d’y stocker les sous-produits de la photosynthèse sous forme de tanins, de résines ou de cristaux d’oxalate de calcium. Si ce tissu est donc essentiel au développement de l’arbre, il ne représente pourtant qu’une faible partie du tronc, en épaisseur comme en poids : l’épaisseur de l’écorce d’un chêne de 500 ans ne représente qu’1% de son rayon. De plus, ce matériau est très léger.
Comme les êtres humains, l’arbre supporte modérément les scarifications de son épiderme et les preuves d’amour gravées à même la peau. Il ne supporte pas plus l’arrachage total de son écorce, même dans le cas du chêne-liège dont seule la partie liégeuse est enlevée sans toucher les tissus vivants.
2- Les usages multiples de l’écorce
Suivant l’âge et les espèces, l’écorce représente 5% à 20% du volume du bois de tige, c’est donc un matériau que les sociétés humaines ont cherché à valoriser depuis longtemps. C’est un excellent combustible car son pouvoir calorifique est le même que celui du bois sec. Selon l’arbre dont elles proviennent, les écorces sont utilisées à des fins très spécifiques : l'écorce du chêne-liège (Photo vavou ci-contre) produit le liège très utilisé en bouchonnerie et comme isolant thermique dans la construction. L'écorce de la cannelle est utilisée comme épice. Avant l’avènement des molécules de synthèse, on extrayait l’aspirine des saules et la quinine du quinquina. L’écorce du mûrier à papier (Broussonetia papyrifera) servait à fabriquer du papier. Enfin, on extrayait de l’écorce de chêne le fameux tan qui permettait de traiter le cuir.
Aujourd’hui, on tire toujours des huiles essentielles des écorces de pin maritime, du myrte, du pistachier lentisque ou du cèdre. En France, l’écorce de pin maritime est très utilisée pour réaliser des paillis isolants et décoratifs.
3 - Troncs et écorces d’arbres : jeux de textures et de couleurs
Nous allons maintenant nous intéresser aux dimensions esthétiques de l’écorce au jardin. Elles se repèrent à deux caractéristiques majeures des écorces : la texture qui leur donne un toucher très particulier et la couleur qui, hormis le bleu et le violet, explore à peu près toutes les autres teintes de l’arc en ciel :
-
Écorces blanches comme neige
Les bouleaux n’ont par leur pareil pour réfléchir la lumière, exposant des troncs lisses immaculés ou rosés. Betula utilis var. jacquemontii et Betula albosinensis, le bouleau blanc de Chine offrent des surfaces unies qui semblent couvertes de neige. L’écorce du bouleau à canots, Betula papyrifera s’exfolie telles des feuilles de papier. La couleur rouge foncé à presque noir chez les jeunes arbres devient brun rougeâtre puis blanc crème brillant à maturité. Les Indiens du Canada se servaient de l’écorce pour la fabrication d’embarcations légères. Si vous plantez des bouleaux dans votre jardin, réservez-leur une place ensoleillée et un sol acide et frais.
- Écorces aux jeux de bruns, ocre et acajou
Le brun est bien sûr une couleur très fréquente parmi les écorces. Mais il existe des nuances variées et très riches selon les espèces. Chez les pins, la diversité des écorces est aussi variée que le nombre d’espèce : le pin d’Alep (Pinus halepensis) et le pin maritime (Pinus pinaster) ont une écorce gris clair ; le pin sylvestre a une jeune écorce orangée qui tire sur le gris avec l’âge. Quant-au pin pignon (Pinus pinea), il mélange les deux teintes : grise et orangée.
Ecorces de pin maritime, pin parasol et pin sylvestre - @ Vavou
Chez les cerisiers d’ornement, cette même diversité existe mais trois espèces retiennent plus particulièrement mon attention. Prunus serrula est un petit arbre à la magnifique écorce acajou interrompue de lenticelles ocre. Prunus maackii ‘Amber Beauty’ possède une écorce brune et miel qui s’exfolie comme celle des bouleaux. Enfin, Acer griseum surnommé l’érable « à écorce cannelle » se desquame joliment en laissant paraître différents tons chocolatés.
- Écorces vertes et jaspées
Un certain nombre d’érables asiatiques sont munis de troncs jaspés à l’aspect de peau de serpent. L’érable de Hers (Acer davidii subsp grosseri), Acer capillipes et Acer pensylvanicum, par exemple, conservent cette texture lisse et zébrée même sur les branches âgées, contrairement à Acer davidii dont l’écorce du tronc finit par s’épaissir.
- Écorces couleurs de feux : rouge et jaune
Ramure de Acer palmatum ‘Sangokaku’(syn. ‘Senkaki’), Jardin de la Bastide à Bordeaux (33) et Tronc de l'Acer pensylvanicum 'Erythrocladum'
Acer palmatum ‘Sangokaku’ affiche des teintes rouge vif qui s’accentuent avec le froid. La densité de ses rameaux fins et sinueux lui a valu son appellation d’ « érable à écorce corail ». Dans la même veine, l’Acer pensylvanicum 'Erythrocladum' mélange des stries orangées, jaune pâle, et blanches, tout cela ponctué de lenticelles noires.
Parmi les bois jaunes, on peut trouver certains saules à condition de les rabattre régulièrement pour favoriser l’émission de bois jeune. Il y a aussi les cornouillers à bois jaune (Cornus sericea ‘Flaviramea’ ) et certains bambous comme Phyllostachys sulphurea.
Cornus sanguinea 'Winter Beauty', Conservatoire botanique de Brest (29), Phyllostachys sulphurea , Chateau de Cazenave, Préchac (33)- @ Vavou
vert |
rouge |
jaune |
blanc et rosâtre |
marron |
Acer capillipes (rouges en naissant) |
Acer palmatum 'Sangokaku' |
Cornus sericea 'Flaviramea' |
Betula utilis var. jacquemontii |
Prunus maackii 'Amber Beauty' |
Acer pensylvanicum |
Cornus alba 'Sibirica' |
Cornus sanguinea 'Winter Beauty' |
Lagerstroemia indica |
Arbutus andrachne |
Acer davidii subsp.grosseri |
Cornus sericea 'Kelseyi' |
Salix alba |
Platanus x acerifolia |
Berberis thunbergii |
Cornus mas |
Cornus sanguinea WINTER FLAME® ‘Anny’ |
Bambusa vulgaris 'Aureomarginata' |
Parrotia persica |
Euonymus alatus |
Sophora japonica |
Salix sacchalensis ‘Sekka’ |
Phyllostachys aurea |
Eucalyptus sp |
Pinus pinea |
Un autre aspect amusant mais parfois oublié des écorces est leur texture et la sensation qu’elle procure lorsqu’on les effleure. On distingue ainsi :
- Les écorces lisses et sans aspérités au toucher comme chez le hêtre (Fagus sylvatica), le châtaignier (Castanea sativa) ou le mimosa (Acacia dealbata). Ces écorces font souvent l'objet de gravures, savamment nommées "dendroglyphes".
Pour en savoir plus : Dendroglyphes : quand les graffitis rencontrent l’ethnobotanique
- Les écorces légèrement rugueuses qui se détachent soit par lanières comme chez les Eucalyptus et les arbousiers ou par plaques comme chez les platanes ou le très curieux pin Napoléon (Pinus bungeana) ci-contre, photographié à l'Arboretum des Barres (45).
- Les écorces qui se détachent par écailles comme celle des cèdres, du pin maritime, du pin parasol ou du pin sylvestre.
- Les écorces fissurées de l’arbre de Judée (Cercis siliquastrum), du chêne vert ou du Liquidambar.
- Les écorces crevassées et tourmentées du chêne-liège (Quercus suber), de l’Oranger des Osages (Maclura pomifera) dont les Indiens du même nom extraient une teinture orangeâtre, des vieux peupliers blancs ou des robiniers faux-acacia (Robinia pseudoacacia).
- Les écorces annelées de l’Araucaria araucana dont les petites rides témoignent des cicatrices des branches tombées.
- Les écorces fibreuses et douces au toucher du Sequoiadendron et du myrte (Myrtus communis).
Bien d’autres espèces sont susceptibles de vous séduire. A vous maintenant d’observer les couleurs des écorces et de les frôler de vos mains lorsque vous parcourez parcs et pépinières en cette saison !
Dans le texte, j'évoque quelques noms d'arbres. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter mes articles sur mon site. Vous y trouverez plus d'éléments d'informations notamment sur les espèces suivantes : l'Araucaria, les mimosas, les arbousiers.