Comment choisir ses bruyères pour un fleurissement en toute saison ?

Publié le par Vavou

Bruyère est un terme générique qui s’applique à trois genres d’arbustes ou arbrisseaux : Erica, Calluna et Daboecia. Ils ont en commun de posséder un feuillage très fin, persistant, de petites fleurs en grelots et de pousser dans une terre acide pour la majorité d’entre eux. Il existe un nombre d’espèces et de cultivars si important qu’il est possible de fleurir votre jardin tout au long de l’année. Les bruyères permettent aussi de jouer sur les variations de hauteur, de coloration du feuillage et des fleurs. Voici donc un petit résumé les principales caractéristiques de chacun des genres et la façon dont s’échelonnent les floraisons.
 
Association de divers coloris de bruyères et de camélias au château de Trévarez dans le Finistère (29) - Photo Vavou

1 - Erica, la vraie bruyère

Appelées bruyères des Alpes, les Erica sont les plus rustiques de toutes. Elles acceptent même de pousser dans un sol légèrement calcaire ou dans une bonne terre de jardin additionnée de tourbe. Elles offrent la plus grande variété de formes et de couleurs. Les fleurs en grelot ont une corolle soudée ce qui les distingue de la callune (voir plus bas).
 
Les bruyères de petite taille
On y trouve principalement deux espèces Erica carnea et Erica x darleyensis, au port étalé mesurant entre 15 et 60 cm. La première fleurit de décembre à mai, la seconde débute un peu plus tôt, entre novembre et mai selon les cultivars.
 
Erica x darleyensis 'Spring Surprise' à gauche et 'Eva Gold', Bordeaux (33) - Photo Vavou

 

Erica carnea, bruyère sous la neige, jardin botanique de l'Université Bordeaux à Talence (33) - Photo Vavou

Erica vagans, la bruyère de Cornouailles, est plus estivale (juin à octobre). Elle possède généralement un feuillage vert profond mais il est doré chez le cultivar ‘Valérie Proudley’. La bruyère cendrée E. cinerea, plus adaptée aux situations chaudes, l’accompagne dans sa floraison.

Erica vagans 'Mrs D.F. Maxwell' au parc de la Beaujoire à Nantes (44) - Photo Vavou
Les bruyères arbustives
En région plus clémente, dans le Midi et l’ouest de la France, vous pouvez introduire des bruyères beaucoup plus vigoureuses dépassant 1 m de haut.
La bruyère arborescente (Erica arborea) et sa cousine Erica lusitanica, mesurent jusqu’à 6 m en conditions naturelles et 2 à 3 m en culture. On trouve la première, E. arborea, sur l’île de Porquerolles ou en Espagne. Elle affiche en mars-avril des manchons neigeux de 20 à 30 cm de long. Prévoyez de l’espace car elle peut occuper 2 à 3 m de diamètre. N’hésitez à rabattre ses branches les plus hautes pour lui donner un port plus compact.
Un large massif d’Erica lusitanica, bruyère du Portugal, Conservatoire botanique national de Brest Stangalarc'h (29)

 

Erica mediterranea (syn. E. erigena) mesure jusqu’à 1,50 m de haut, elle se distingue par ses clochettes rose pourpre parfumées, de mars à mai. Il existe des cultivars blanc pur comme ‘Hibernica Alba’, mauve ‘Mrs Parris Lavender’ (45 cm de haut), et rose soutenu comme ‘Irish Salmon’ qui pousse fort bien dans mon jardin au sol sableux et acide. Plantez-les dans un endroit abrité, ensoleillé et dans un sol bien drainé.
 
Erica erigena 'Irish Salmon', bruyère méditerranéenne à grand développement dans mon jardin sur la bassin d’Arcachon - Photo Vavou

 2 - La callune, la plus commune

La callune se contente d’une terre pauvre, cependant, elle exige un sol sableux léger et acide pour bien se développer. Ses clochettes mauves aux pétales éclatés se retrouvent assez communément dans les landes ou sous les forêts de résineux ce qui signifie qu’une situation ensoleillée ou mi-ombragée lui conviennent parfaitement. La callune se reconnaît facilement à ses 4 rangées de feuilles imbriquées tout autour de la tige. Sa floraison s’étale de juillet à novembre.
Patchwork de callunes au parc de la Beaujoire à Nantes (44) - Photo Vavou

Il existe une seule espèce de callune Calluna vulgaris qui a donné naissance à plus de 400 cultivars, à fleurs simples, doubles, aux teintes variant du blanc pur au rouge soutenu. Le feuillage qui a tendance à se cuivrer en hiver offre également de multiples nuances argentées, bronze, dorées qui permettent de composer un patchwork de couleurs intéressant pour meubler un talus. Leurs dimensions varient de 30 à 80 cm selon les cultivars et l’ensoleillement.

Le très beau feuillage gris argenté de Calluna vulgaris 'Silver Stream' au parc de la Beaujoire Nantes (44) - Photo Vavou

 

Calluna vulgaris 'Cuprea' au feuillage doré, au parc de la Beaujoire à Nantes (44) - Photo Vavou
Le saviez-vous ?
En Ecosse, trouvez un brin de callune à fleurs blanches est un signe de chance tout comme peut l’être chez nous le trèfle à 4 feuilles. Il s’agit de la variété C. vulgaris var. alba.
 

3 - La daboécie ou bruyère irlandaise

 
Daboecia cantabrica au Linn Botanical Garden, Ecosse - Vavou
L’espèce Daboecia cantabrica est répandue le long des côtes atlantiques françaises et irlandaises. Un peu moins rustique que les autres (- 15°C), elle demande un climat assez humide pour prospérer. Elle forme un arbuste plutôt érigé de 60 cm de haut avec des feuilles fines couvertes d’un duvet blanc sur le revers. Ses clochettes pourpres éclosent durant tout l’été jusqu’à la fin de l’automne. Elles tombent toutes seules en fanant contrairement aux autres bruyères dont vous pouvez vous servir pour la confection de bouquets secs (les fleurs de callune en particulier ne brunissent pas). Les hybrides Daboecia x scotica ont un port plus rampant comme ‘William Buchanan’ (35 cm) ou ‘Jack Drake’ (20 cm), toutes deux d’un rouge intense.

4 - Le royaume des bruyères : l’Afrique du Sud

Si les bruyères et en particulier le genre Erica sont associées aux landes atlantiques humides de la façade nord océanique (Bretagne, Irlande, Ecosse), nous avons vu qu’il existait aussi des bruyères de climat sec voire méditerranéen. Mais l’une des zones les plus riches en bruyère est bien loin de chez nous : en Afrique du Sud. Dans la région du Cap, il existe une formation végétale équivalente à notre maquis méditerranéen, le Fynbos, qui compte près de 625 espèces de bruyères sur les 740 qui existent dans le monde ! En Europe, nous en sommes donc bien loin avec moins de 10 espèces…
Certaines de ces bruyères commencent à arriver dans nos jardineries. Elles détonnent par rapport à nos bruyères européennes par la taille de leurs fleurs et de leurs corolles plus longues, très allongées et parfois bicolores. Mais, prudence, elles sont plus ou moins adaptées à nos climats. Toutes demandent un sol bien drainé, mais pas desséchant. Autre point crucial : elles supportent mal les gelées. Ce sont donc des espèces à réserver aux climats doux et aux terres acides de la côte atlantique et de la méditerranée.
Les deux espèces qu’il m’ait été données de voir en France, dans des jardineries spécialisées notamment, sont les suivantes :
Erica baueri - Photo Vavou

Erica baueri : très menacée dans son milieu naturel de la province du Cap, c’est pourtant une des espèces les plus cultivées dans les pépinières sud-africaines. Cette bruyère demande un sol acide (5,5<pH<6,7) et surtout un bon drainage entre deux averses. L’humidité stagnante lui est souvent fatale. Le substrat idéal contient 40 % de sable, 40 % d’écorces de                                                        pin et 20 % de terreau. Mais quelles fleurs en fin d’été !

Erica verticillata - Photo Vavou

Erica verticillata : disparue de son milieu naturel en 1943, cette plante a été miraculeusement retrouvée en 1984 et abondamment multipliée depuis. On commence à la trouver dans certaines jardineries françaises en fin d’été. Cette bruyère à grand développement (1,5 m) demande le même substrat que E. baueri mais supporte des conditions un peu plus sèches. A la plantation, la reprise est parfois un peu capricieuse ; pensez à bien l'arroser. Alors seulement, la plante vous gratifiera de ses longues fleurs roses en grappes serrées.

5- Un entretien quasiment nul

L’entretien des bruyères est quasiment nul une fois l’implantation assurée. Une taille des épis réalisée après la floraison leur permet de conserver une forme plus ramifiée mais n’est pas obligatoire. Les bruyères se caractérisent par leur frugalité en eau comme en sels minéraux. Leur présence a même un effet répulsif sur les mauvaises herbes car les racines émettent des substances toxiques. Elles survivent dans des sols très pauvres grâce à un champignon présent dans la plante et jusque dans la graine.

Notez que la décomposition lente des bruyères conduit à la formation de la fameuse « terre de bruyère ». Elle est utilisée pour les plantations de végétaux ne supportant pas le calcaire.

6- Tableau résumant les dates de floraison

Couleur des floraisons B : blanc, M: mauve, R : rouge

Bruyères d’été (Juin à octobre)
Bruyère d’automne (Novembre-décembre)
Bruyères d’hiver et de printemps (Janvier à avril)
Erica vagans ‘Lyonesse’ B
Calluna vulgaris ‘Automn Glow’ R
Erica x darleyensis ’Silberschmelze’ B
Daboecia cantabrica M, R, B
Calluna vulgaris ‘Hibernica’ M
Erica carnea ‘Winter Beauty’ M
Calluna vulgaris ‘Alba Plena’ B
Erica carnea ‘Snow Queen’ B vert soutenu
Erica x darleyensis ‘Kramer’s Rote’ R
Calluna v. ‘Alportii’ R
Erica carnea ‘Early Red’ R
Erica carnea ‘King Georges’ R
Erica cinerea ‘Miss Waters’ B-M
Erica x darleyensis M
Erica arborea et mediterranea B, M, R
 
Feuillages remarquables par leur coloration
Calluna vulgaris ‘Spitfire' : doré virant au bronze rouge à l'automne
Calluna vulgaris ‘Aurea' : feuillage doré tournant au rouille à l'automne
Calluna vulgaris ‘Silver Knight’ : gris argenté
Calluna vulgaris ‘Sister Anne’ : feuillage gris argent devenant rougeâtre aux reflets gris en automne.
Erica cinerea ‘J.B. Porter’ : rouge au printemps.
     
 

7- Les bruyères et les callunes dans la nature

Et, si les bruyères d’origine horticole sont très belles, n’oubliez pas de les observer dans leur milieu naturel où elles fleurissent en été (juillet-août). Elles y sont si jolies ! Les meilleures sites sont les côtes rocheuses de Bretagne, la forêt landaise, les zones à tourbières du plateau de Millevaches, la montagne du Pilat vers Saint-Etienne, les Pyrénées, les Cévennes…
Mais au fait, comment distingue-t-on la bruyère de la callune ? Voici ce que nous en dit David Busti du département de biologie de l’Ecole normale supérieure de Lyon. 
 

Erica cinerea-bruyere-cendree-Photo ENS lyon  Calluna vulgaris - photo ENS lyon

Bruyère à gauche et Callune à droite (photo David Busti- ENS lyon)

 

Caractéristiques comparées de la Bruyère cendrée et de la Callune
(d’après David Busti - ENS Lyon)
 
Bruyère cendrée (Erica cinerea)
Callune (Calluna vulgaris)
Fleurs
Le calice est « normal » avec 4 lobes verts.
La corolle est constituée de 4 pétales soudés en grelot avec 4 pointes au sommet.
Le calice est « double ». Le deuxième calice a 4 sépales pétaloïdes violets, séparés et grands.
La corolle est faite de 4 pétales violets séparés (soudés seulement à la base) plus courts que le calice
Feuilles
Les feuilles sont en aiguille et disposées (ou verticillées) par 3.
Les feuilles sont minuscules, se recouvrent et sont disposées sur 4 rangs.
Répartition
La Bruyère cendrée est assez commune dans la moitié ouest de la France, les Pyrénées et les Cévennes où elle peut pousser jusqu'à 1500 m d’altitude. Elle manque dans l’Est et les Alpes
La Callune est commune presque partout en France et on la trouve jusqu’à 2500 m d’altitude.
Et les voici dans leur milieu naturel
 
Bruyère Cléden-Cap-Sizun (29) Castelmeur 28339 redimensi  Callune, Calluna vulgaris, Erica cinerea, Cléden-Cap-Sizun
Callune à la pointe du Raz en Bretagne (29) (Photo Vavou)
Bruyère, Pointe de Brézellec 48159 redimensionner
Callune dans le Cap Sizun au mois d'août (29 (Photo Vavou)
 Callune vulgaris 12473 redimensionner
Callune au pied d’un pin maritime dans la forêt landaise  (33) - Photo Vavou
 
Bruyère, Ouessant 35053 redimensionner
Tapis de bruyère sur l’ïle d’Ouessant au mois d’août (29 - Photo Vavou
 
Erica est issu d’un verbe grec qui signifie « briser » avec semble-t-il une double connotation : la fragilité des rameaux mais aussi l'allusion à son ancien emploi médicinal supposant dissoudre les calculs rénaux.
Calluna veut dire en grec « balayer », la plante étant anciennement utilisée pour confectionner des balais.
(d’après Régis Thomas et David Busti-ENS Lyon)
 

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Publié dans Arbustes

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C
Bonjour Eva, Il y a un moment que je n'étais venue sur ton blog, toujours un vrai plaisir et je vois l'article sur la bruyère du Cap... Je suis tout prêt, enfin par avion, je dois m'y rendre en<br /> 2013 donc je ferai très attention aux bruyères (entre autre) magnifique. Merci. A+ CAT
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B
Bonjour, ayant découvert votre site il y a quelques semaines seulement, je viens de trouver votre article sur la bruyère!! Or, j'habite vers Hostens et j'ai un assez grand jardin, rempli de<br /> bruyères de toutes sortes.J'en ai répertorié 4 sortes et essaye de "repiquer" certains plans mais avec difficultés. Auriez-vous le nom d'ouvrage sur ce sujet ? Merci.
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