Elagage des arbres et cicatrisation des plaies de taille
Elaguer ou tailler un arbre est une action agressive. Certaines périodes sont plus favorables à l’exécution des tailles du fait de l’état physiologique de l’arbre et du cycle de vie des pathogènes. Le diamètre des branches à couper et le respect des angles de coupes influent aussi sur la vitesse de cicatrisation des plaies. Dans certains cas, l’application d’un produit cicatrisant est utile pour aider l’arbre à se défendre contre les infections. Tailler un arbre n’est donc pas un acte anodin. Cela demande un peu de réflexion et de savoir-faire.
Une mauvaise taille et ce chêne ne cicatrisera jamais (à gauche) tout comme ce micocoulier (à droite) dont les plaies béantes ne devraient pas supporter d’aussi grosses branches (Photos Vavou, Var (83))
1- Tailler un arbre n'est pas sans risque
A l’image d’un acte chirurgical, l’élagage est une opération qui augmente la vulnérabilité de l’arbre pendant toute la période de la cicatrisation. En effet, toute plaie de taille constitue une porte ouverte pour certains parasites de blessure. Ces parasites se partagent en deux catégories différentes :
- Des champignons microscopiques très actifs qui s'installent au moment de la blessure ou dans les jours qui suivent. En nombre limité, ils s'attaquent aux tissus vivants, obstruant ainsi les vaisseaux conducteurs de sève et provoquant des maladies tels que le chancre européen du pommier et du poirier, la maladie du corail sur de nombreux arbustes, ou plus grave encore le chancre coloré du platane qui sévit actuellement dans le Sud de la France... Ces pathogènes sont des champignons des tissus vivants.
- Des champignons lignivores qui colonisent les plaies anciennes plutôt de grande dimension. Ils ne s'intéressent qu'au bois mort, localisé au cœur des vieux arbres, qu'ils dégradent progressivement pour former une cavité... ce sont les décomposeurs du bois de cœur. Ces champignons, à l’image des amadouviers, des fistulines hépatiques, des ganodermes et des polypores géants, compromettent gravement la stabilité et la résistance mécanique de l’arbre dont les branches et les troncs sont alors « dévorés » de l’intérieur. Or, une fois installés, ces champignons sont très difficiles à enlever.
Un petit champignon très discret (photo de gauche) mais qui prouve que le tronc est creux (Photo Vavou, Gironde (33)) et, à côté, un gros ganoderme à la base du tronc qui fragilise énormément la résistance mécanique de l’arbre (Photo Vavou, Besançon (25))
Couper une grosse branche, c’est-à-dire d’un diamètre supérieur à 10 cm, peut donc induire à terme – dans les 5 à 10 ans – un affaiblissement mécanique de l’arbre dans son ensemble. S’interroger sur l’utilité d’une telle coupe est donc nécessaire. Certaines essences sont particulièrement sensibles aux plaies de taille et pourrissent vite comme les peupliers, les tilleuls, les bouleaux, les érables, les cerisiers, voire les marronniers. D’autres comme les platanes et les chênes cicatrisent également très mal mais leur résistance mécanique est beaucoup plus élevée.
Tronc de tilleul pourri de l’intérieur et qui a nécessité son abattage (Photo Vavou)
2 - Pourquoi tailler un arbre d’ornement ?
On taille les arbres fruitiers afin d’accélérer la mise à fruit et d’augmenter la productivité. Mais quelles bonnes raisons y a-t-il de tailler un arbre d’ornement ? L’opération n’étant pas sans danger pour l’arbre, il convient donc de s’assurer que l’élagage est bien justifié. Trois raisons peuvent vous amener à tailler un arbre :
- la sécurité (pour les biens ou les personnes),
- la santé de l’arbre lui-même (présence de chancre, de branches surnuméraires, d’écorces incluses ou risques d’arrachement des branches)
- l’esthétique (topiaire, rééquilibrage de la forme générale de l’arbre).
Si l’argument sécuritaire s’impose souvent de lui-même, l’argument esthétique est bien sûr plus relatif.
Le cas des écorces incluses
Lorsque deux branches d’un diamètre compris entre 5 et 10 cm de diamètre partent d’un même point d’insertion, il peut être nécessaire – mais pas obligatoire – d’enlever une des branches. Deux situations sont à distinguer :
- Si les deux branches forment un U (schéma de gauche) et que la ride de l’écorce à l’intersection des deux branches se développe vers l’extérieur, cela signifie que les deux branches sont soudées par leurs tissus ligneux et non pas par leur seules écorces. Il n’y a donc pas besoin de tailler ;
- Si les deux branches forment un V (schéma de droite) et que la ride de l’écorce pousse vers l’intérieur des branches, cela signifie que leurs écorces respectives sont incluses et qu’elles sont peu ou mal soudées par leurs seules écorces. Ces fourches se révèlent très sensibles à l’arrachage lors des coups de vents un peu forts. Dans ce cas, il convient de d’enlever une des branches en effectuant une coupe avec tire-sève comme nous le verrons plus bas.
Vous devez également réfléchir aux conditions de réalisation du chantier. Si les branches à élaguer touchent des fils téléphoniques ou, pire encore, des fils électriques, il est sans doute plus prudent de faire appel à un élagueur professionnel. Un arc électrique est si vite arrivé entre les fils et le guide de votre tronçonneuse… La présence de biens matériels sous les branches peut aussi rendre la taille plus difficile que prévu. Une branche mal arrimée et celle-ci défonce, dans sa chute, la clôture, l’abri de jardin ou transperce la bâche de votre bassin. L’abattage d’un arbre pourri peut aussi s’avérer plus dangereux qu’il n’y paraît car il peut se briser à tout moment et pas forcément à l’endroit où on effectue la coupe.
Pour résumer, tailler seulement si c’est nécessaire. Si la branche a un diamètre inférieur à 5 cm, vous pouvez élaguer sans risques. Entre 5 et 10 cm réfléchissez à deux fois et au-delà de 10 cm, ayez une très bonne raison car l’arbre cicatrisera mal et la pourriture risque de l’endommager définitivement.
3 - Les périodes de taille
Vue en coupe de la cicatrisation ; la pourriture est contenue à l’intérieur de l’arbre par une barrière chimique qui empêche sa progression. Dans ce cas, il n’y a aucun risque de rupture ou de progression de la plaie (Photo Vavou)
La taille des branches ne devrait concerner que des sections de faible diamètre, inférieures à 5 cm. Réalisées dans les règles de l’art, elles cicatrisent en un ou deux ans. Le bourrelet cicatriciel progresse en effet de 0,5 à 2 cm par an. Surveiller et tailler l’arbre tout au long de sa croissance s’avère donc préférable à des coupes tardives mais souvent plus drastiques.
Deux niveaux de cicatrisation différents, en haut, la plaie est quasiment refermée alors qu’en bas, il ne manque qu’un peu de bourrelet cicatriciel (Photo Vavou)
Concernant les périodes de taille, l’hiver reste la période la plus propice pour l’élagage car la silhouette de l’arbre est plus visible et les coupes plus faciles à équilibrer sur l’arbre. Les écoulements de sève sont quasiment nuls, les spores de champignons inexistants et l'on dispose aussi de plus de temps pour ce genre d'activité. C'est la meilleure période pour tailler les arbres à floraison estivale (Lagerstroemia...). Les conifères et les arbres à feuilles persistantes peuvent être taillés toute l’année avec une préférence pour la taille d’hiver ou de fin d’automne, voire de début de printemps. Le gel souvent considéré en France comme une période défavorable à la taille, en réalité, n'est pas un facteur limitant si ce n'est pour le confort de l'élagueur.
Des études ont par ailleurs mis en évidence que la taille en juillet, voire en juin dans les régions méditerranéennes, entraîne une cicatrisation plus rapide, une moindre apparition de gourmands et une réduction des infections (meilleure compartimentation du bois qui fait barrière aux champignons). C’est aussi la meilleure période pour tailler les arbres et arbustes qui fleurissent au printemps (comme les pommiers d'ornement, le forsythia...). Dans la mesure où vous n'enlevez pas plus du tiers du houppier de l'arbre, n'hésitez pas à tailler en été. Le stock de réserves de l'arbre est ainsi bien vite reconstitué, l'arbre moins stressé et donc moins sensible aux attaques parasitaires.
4 - Comment exécuter la coupe d'une branche ?
Abordons maintenant un point essentiel pour une taille réussie : l’exécution de la coupe elle-même. L’angle de coupe est un facteur primordial pour obtenir une cicatrisation parfaite. L’arbre possède en effet à la base de chacune de ses branches une zone de tissu capable de régénérer n’importe quelles cellules : le méristème. Elle se situe sur le pourtour de toute la branche et forme un renflement visible sur le dessous (col de la branche), se prolongeant par une sorte de fissure vers la partie supérieure. Les coupes doivent se faire en biais, juste à la limite du col inférieur et supérieur de la branche afin de ne pas laisser de chicot et d’épargner cette zone méristématique. Tout est donc une affaire de dosage et surtout de précision. Il va de soi que votre matériel de taille doit être parfaitement aiguisé afin d'effectuer une coupe nette. Pour des branches dont le diamètre ne dépasse pas 45 mm, le sécateur de force dont les lames se croisent est l'outil idéal.
Je me permets ici de vanter la qualité des sécateurs Bahco de fabrication française.
La coupe s’exécute le long de la ride de l’écorce dessinée à la base de la branche. A gauche, cas d'une branche morte et à droite, cas d'une branche vivante
4.1 - Coupe au point d’insertion
Si la branche possède un diamètre supérieur à 5 cm, procédez en 2 temps : sciez à 20 cm du point d’insertion en effectuant un trait de scie sous la branche. Cela évitera que l’écorce et les tissus vivants ne soient arrachés en deçà du point de coupe. Puis effectuez la coupe définitive par le dessus. La branche cèdera alors sous son propre poids. Refaites ensuite une troisième coupe plus fine et définitive au niveau du col.
Mauvaise coupe : une partie de l’écorce s’est arrachée lors de la chute de la branche et des gourmands ont poussé de façon désordonnée (photo Vavou)
Coupe en trois temps : schéma théorique et passage à la pratique (photos Vavou)
4.2 - Coupe avec tire-sève
Lorsque vous désirez simplement raccourcir un branchage afin d’éclaircir le houppier ou supprimer des rameaux mal placés, le trait de coupe ne se situe pas forcément à l’insertion de la branche. Le « col » n’est donc pas présent à cet endroit. La solution consiste alors à supprimer le prolongement de cette branche juste au-dessus d’une ramification appelée tire-sève. Ce dernier doit posséder un calibre au moins égal au tiers de la branche supprimée. En attirant la sève vers la coupe, le rameau aura la possibilité de cicatriser rapidement.
Schéma d’une coupe avec tire-sève
Quelle que soit le type de coupe effectué, n’oubliez pas de désinfecter à l’alcool ou à l’eau de javel les outils de coupe quand vous passez d’un arbre à un autre afin d’éviter la propagation des spores.
5 - Faut-il appliquer un cicatrisant ?
Les produits cicatrisants, à base de goudron de pin, de résines, associés quelquefois à une huile végétale, une cire ou un fongicide sont proposés à la vente pour protéger des coupes de diamètre important. Il existe aussi des mastics en bombe aérosol mais leur efficacité n'égale pas celle des mastics en pâte. Avec l'aérosol, la couche est trop fine pour produire un effet protecteur.
Différents types de cicatrisants disponibles dans le commerce (dont le fameux goudron de Norvège, à droite)
L’utilisation de mastic peut s’avérer efficace face à des champignons des tissus vivants qui voudraient profiter du passage. Dans ce cas, le mastic pourrait faire barrage et protéger l'arbre. Sachez seulement qu'il se dégrade rapidement, se craquelle et se fissure, laissant le champ libre aux champignons lignivores. Si vous habitez une région où des parasites de blessure sévissent (fomès, chancre coloré du platane par exemple), n'hésitez pas à l'utiliser juste après la coupe sur les essences sensibles et renouvelez l’application 3 mois plus tard et ce, jusqu’à complète cicatrisation. Pour l'application, nettoyez bien la plaie ou la blessure à l'aide d'une brosse métallique. Enlevez les parties d'écorce déchirées ou mortes au couteau. Évitez de cureter profondément et de toucher aux tissus vivants car l'arbre réagit à des plaies en formant des barrières chimiques qui isolen les tissus sains des tissus meurtris. Il serait dommage de rompre ces barrières bien plus efficaces que le masticage.
Mastic sur une plaie de taille de fort diamètre
Dans le cas des champignons lignivores, le cicatrisant est reconnu inefficace car sa durée de vie est trop faible... inutile alors de badigeonner les plaies lors de l'élagage d'un arbre. Pour éviter l'installation de ces "décomposeurs" de bois, faites en sorte que la cicatrisation soit rapide: effectuez des plaies de faible dimension (<5 cm) et respectez les angles de coupe.
De nos jours, l'application de mastic est très contestée car il a été démontré qu'elle constitue un terrain favorable à l'installation des champignons lignivores !
Toutefois, son action est reconnue pour lutter contre la maladie du plomb qui sévit sur les fruitiers à noyau. Il s’applique alors systématiquement sur des plaies de 2 cm et plus. Evitez cependant de tailler en fin d’été, période à laquelle le champignon dissémine ses spores.
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