Davidia involucrata, arbre aux mouchoirs, arbres aux colombes
Arbre aux colombes, arbre aux mouchoirs ou encore arbre aux fantômes, le Davidia involucrata collectionne les qualificatifs qui évoquent tous sa floraison hors du commun. Cet arbre a marqué les esprits lorsque le Père David en fit sa description pour la première fois en 1871. Le célèbre naturaliste effectuait alors un voyage en Chine de 11 ans, très riche en découvertes comme celle du panda. Le Davidia fait encore figure de rareté dans nos jardins, alors que sa culture n’a rien de particulier.
Davidia involucrata var vilmoriniana, l'arbre aux mouchoirs à l'arboretum des barres à Nogent-sur-Vernisson (45) (Photo Vavou)
1 - Un arbre unique
Le Davidia est quasiment le seul représentant de la famille des Nyssacées avec un arbre américain le Nyssa sylvatica. Sa silhouette pyramidale puis arrondie et son feuillage vert tendre et denté ne sont pas sans rappeler un arbre de nos régions : le tilleul. Si vous laissez l’arbre en port libre, il n’est pas rare qu’il forme plusieurs troncs. Sa hauteur à l’âge adulte varie entre 12 et 20 m. Ses feuilles sillonnées de nervures exhalent un léger parfum à leur naissance et mesurent 15 cm.
11- Les tumultes de sa découverte.
Le Davidia fut décrit pour la première fois par le Père David (1826-1900), célèbre naturaliste (découvreur du panda) qui a donné son nom à plusieurs plantes chinoises comme le Buddleia davidii (arbre aux papillons) et bien sûr le Davidia. L’arbre fut découvert dans la région de Chengdu au centre de la Chine. Onze ans plus tard ce même explorateur tomba sur une autre variété très proche. Ce sont des pépiniéristes collectionneurs comme Vilmorin en France et Veitch en Angleterre qui chargèrent respectivement les missionnaires Fargès et Wilson de rapporter des graines.
Le Français fut le premier à faire parvenir les semences d’un arbre dont une seule graine germa au bout de 2 ans en 1899. L’arbre fleurit en mai 1906 pour la première fois. On peut encore admirer sa floraison de mai, dans la collection des Vilmorin, à l’Arboretum des Barres (Loiret) sur l’arbre qui porte désormais le nom de Davidia involucrata var. vilmoriniana. En effet, Wilson n’avait pas tout perdu dans sa quête puisqu’il rapporta une forme un peu différente de celle de Fargès, à feuillage duveteux qui fut considérée comme l’espèce type.
C'est bien le même homme ! Le père Armand David, missionnaire lazariste d'origine basque et visiblement imprégné par la Chine (photo Wikipedia)
12 - Des fleurs, un vol d’immenses papillons
C’est ainsi que Wilson décrivit sa floraison. A l’âge de 10-12 ans, les branches se couvrent d’un foisonnement de « mouchoirs » blancs, longs de 20 cm qui lui ont valu ses multiples dénominations. En réalité, ces organes ne sont pas les fleurs mais des feuilles transformées – des bractées - comme dans le cas du poinsettia, de la bougainvillée ou du tilleul. Les fleurs minuscules forment une boule ronde de 2 cm de diamètre au creux des bractées.
En octobre des fruits solitaires semblables à des olives, longs de 4 cm virent peu à peu au brun rougeâtre et persistent sur l’arbre après la chute des feuilles. Ils contiennent 3 à 5 graines mais comme l’Histoire nous l’a révélé, la germination n’est pas facile ! Les fruits blets sont comestibles.
2 – A quoi servent ces « mouchoirs » ?
Les fleurs du Davidia rassemblées autour d’une petite sphère appelée capitule sont appelées à être fécondées et à former les futurs fruits. Mais à quoi servent les immenses « mouchoirs » blancs, ces « faux pétales » de 7 à 12 cm, appelés bractées, et qui sont en fait, d’un point de vue physiologique, des feuilles différenciées ? Servent-ils à attirer les insectes polinisateurs ou à autre chose ? Deux chercheurs chinois –J.F. Sun et S-Q Huang – ont récemment éclairci ce mystère et ont montré que la Nature ne fait jamais rien au hasard.
Pour vérifier l’attrait des bractées vis-à-vis, des insectes polinisateurs, ils ont tout simplement enlevé les bractées blanches. Le résultat fut sans appel : les insectes ne venaient jamais ou presque polliniser les fleurs sans mouchoirs. Ils ont aussi constaté cette même absence de pollinisation en début de floraison lorsque les bractées étaient encore vertes.
Plus subtiles encore, ils ont remplacé les bractées naturelles par des mouchoirs en papier blanc ! Et là surprise, les insectes venaient allégrement butiner les capitules de fleurs. Les bractées et leur couleur blanche jouent donc un rôle indéniable dans la pollinisation des fleurs.
Les quatres dispositfs expérimentaux de Sun et Huang (2011) : des bractées vertes, naturelles ou en papier (en haut), des capitules avec et sans bractées (en bas à gauche) et des capitules avec des mouchoirs en papier (en bas à droite) (Photo Sun et Huang)
Pour aller au bout de leur expérimentation, Sun et Huang ont compté les grains de pollen des fleurs avec et sans bractées et avant même que les insectes ne viennent les butiner. Pour la petite histoire, cela fait près d’un million de grains de pollen à compter par capitules et il y avait 62 capitules à observer !
Et encore une surprise de taille : les fleurs sans bractées avaient beaucoup moins de pollen alors qu’aucun insecte ne les avait visitées. Sen et Huang ont alors trouvé le second rôle majeur des bractées : situées au-dessus des capitules de fleurs, les bractées protègent les fleurs de la pluie, très abondante dans cette région de la Chine, et évitent ainsi le lessivage des grains de pollen par les précipitations.
Le Davidia est en fait un arbre aux parapluies, un arbre à couvre-chef, un arbre à chapeaux ! Ses bractées sont la marque d’un trait évolutif où un organe accumule les fonctions : quand les bractées sont encore vertes, elles participent à la photosynthèse ; quand elles blanchissent, elles attirent les insectes pollinisateurs et quand il pleut, elles protègent les grains de pollen et évitent ainsi la coulure des fleurs qui empêche la fécondation.
3 - Sa culture, simplissime…
Dans son aire d’origine, le Davidia pousse dans les forêts de feuillus entre 1000 et 2600 mètres d’altitude. Il apprécie une ombre légère surtout en été. Mais dans les régions humides, il forme un très bel arbre en isolé. Il résiste à - 15°C sans problème voire -20°C.
Si vous souhaitez ne garder qu’un seul tronc, il est nécessaire d’éliminer les troncs secondaires qui poussent en oblique, au cours des 5 premières années de culture.
Offrez-lui un sol frais mais bien drainé, riche et bien travaillé. Plantez-le à l’abri du vent pour éviter la casse des branches. On ne lui connaît aucun parasite. Il se multiplie par bouture en fin d’été ou pendant l’hiver.
Davida involucrata en association avec des cerisiers du Japon et des rhododendrons, Arboretum des Barres, Nogent-sur-Vernisson (45) Photo Vavou
Seul petit bémol que j’ai gardé pour la fin de cet article afin de vous tenir en haleine : le Davidia met quelques années avant de fleurir ; il n’est pas rare d’attendre 10 à 15 ans avant de voir s’épanouir les premières « colombes », « chapeaux », « parapluies »… enfin les bractées.
Suite au commentaire d'un blogger, je vous rajoute une photo du marcottage aérien d'un Davidia réalisé à l'Arboretum des Barres de Vilmorin (photographié en mai 2006). Les marcottes ont été faites sur des jeunes pousses verticales.
4- Autres articles de saison
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o Le Forsythia, des fleurs de soleil pour le printemps
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